Tchad : l’association des consommateurs demande l’annulation de l’arrêté interdisant la vente des cigarettes importées

Le secrétaire général de l’association pour la défense des droits des consommateurs (ADC), Daouda El Hadj Adam a fait ce mercredi 15 juillet un point de presse. Il dénonce les manœuvres de la manufacture des cigarettes du Tchad qui mettent à mal les efforts de mise en œuvre de la Convention Cadre pour la lutte antitabac (CCLAT) que le Tchad a ratifié depuis janvier 2006.

«Le Ministre du Commerce, de l’industrie et de la promotion du secteur privé sous l’influence de la Manufacture des Cigarettes du Tchad a décidé de manière unilatérale par Arrêté N°38/PR/MCIPSP/DGM/DGTC/2020 du 19 Mai 2020, de la suspension des importations des cigarettes au Tchad pour permettre à la MCT de jouir d’un monopole de commercialisation des cigarettes au Tchad » déclare Daouda El Hadj Adam.

Selon lui, les évidences scientifiques dans le Monde ont prouvé de manière irréfutable, l’influence que l’industrie du tabac exerce sur les politiques publiques. Ce qui justifie l’existence d’un article dédié à cet effet à savoir l’article 5.3 de la CCLAT qui stipule que , “En définissant et en appliquant leurs politiques de santé publique en matière de lutte antitabac, les Parties veillent à ce que ces politiques ne soient pas influencées par les intérêts commerciaux et autres de l’industrie du tabac, conformément à la législation nationale“.

Il n’est pas superflu de rappeler qu’en matière de lutte antitabac, d’importantes avancées ont été réalisées par le Gouvernement du Tchad, matérialisées par les actes législatifs, réglementaires et institutionnels qui sont entre autres :

La ratification de la convention cadre de l’OMS (CCLAT) pour la lutte antitabac en janvier 2006 ;

La création d’un Comité National de lutte contre le tabagisme (CNLT) en 2007 ;

L’élaboration du document de stratégie nationale de lutte contre le tabagisme ;

L’adoption par l’Assemblée Nationale d’une loi antitabac promulguée en juin 2010 ;

La création du Programme national de lutte antitabac, alcool et drogues en 2014 ;

L’augmentation progressive des taxes sur les produits du tabac ces dernières années;

L’adoption et la mise en œuvre de l’Arrêté n°39 portant conditionnement et étiquetage des produits du tabac en 2015 ;

La ratification du protocole pour l’élimination du commerce illicite des produits du tabac ;

La prise de l’Arrêté conjoint n° 0179 portant réglementation des points de vente des produits du tabac ;

La prise du Décret 1523 portant prévention de l’ingérence de l’industrie du tabac ;

L’institution d’une taxe spécifique sur les paquets de cigarettes en faveur du financement de la couverture Sanitaire Universelle.

Ces importantes mesures conformes à la Convention Cadre de l’OMS pour la Lutte Antitabac (CCLAT) ont été possibles grâce au concours des différentes parties prenantes (les Ministères sectoriels, certaines Institutions de la République, ainsi que les Organisations de la Société Civile), tous représentés au sein du Comité National multisectoriel de lutte contre le tabagisme.

Malheureusement et compte tenu des enjeux, le tabac est un produit différent et qui doit être traité de manière spécifique. C’est pourquoi déplore Daouda El Hadj Adam, “unetelle décision doit faire l’objet d’une large concertation et l’implication de plusieurs acteurs comme le recommandent les dispositions de l’article 5.2 de la Convention Cadre de l’OMS pour la Lutte Antitabac (CCLAT) ratifié par le Tchad en 2006“.

« Dans l’esprit de la CCLAT et quelle que soit sa forme juridique et sa nature, l’industrie du tabac ne doit pas influencer les mesures publiques concernant le tabac et bénéficier d’un traitement préférentiel », martèle-t-il.

C’est en application des dispositions de l’article  5.3 de la CCLAT cité ci haut et de ses Directives que le gouvernement a adopté le Décret 1523/PR/MSP/ 2019 du 11 Septembre 2019, portant prévention de l’ingérence de l’ industrie du tabac. Or l’examen de cet Arrêté du Ministre du Commerce montre que cette Décision est prise sous la manipulation de la MCT qui a utilisé le canal du Conseil National du Patronat Tchadien (CNPT) pour obtenir ce traitement préférentiel.

En tout état de cause, l’ADC estime que l’élaboration de l’Arrêté N°038 est contraire à toutes les dispositions du Décret 1523/PR/MSP/2019. A titre d’exemple, l’article 11 dudit Décret stipule que “il est interdit d’accorder tout traitement préférentiel à l’industrie du tabac ’’.

« De toute évidence, il ressort que cet Arrêté est une émanation de l’industrie du tabac. La MCT et ceux qui la soutiennent ne doivent pas se servir de l’allocution du Chef de l’Etat du  14  Avril  2020   sur   le  Covid-19  pour prétendre violer les textes internationaux et nationaux régissant le contrôle du tabac qu’il a personnellement signés », assure Daouda El Hadj Adam.

En outre, pour lutter efficacement contre la contrebande et la fraude fiscale qui sont des arguments avancés abusivement par la MCT pour influencer les décideurs, l’ADC tient à rappeler que la solution réside dans la mise en œuvre effective de la CCLAT et surtout du Protocole sur le Commerce illicite des Produits du tabac à travers le système de suivi et de traçabilité des produits du tabac. Pourtant, le Tchad a fait une avancée remarquable à travers l’institution en 2016 du marquage fiscal. Malheureusement, ce système qui pourrait sécuriser les recettes de l’Etat sur les produits du tabac et les boissons alcoolisées et non alcoolisées est resté en veilleuse.

De tout ce qui précède, l’ADC demande au gouvernement :

l’annulation pure et simple de cet Arrêté N°38 signé par le Ministre du Commerce, de l’industrie et du Développement du Secteur privé.

La pleine application des dispositions du Décret N°1523 par les représentants de toutes les institutions de la République et tous les agents publics

L’accélération de la mise en œuvre du Protocole sur le commerce illicite des produits du tabac ratifié par le Tchad en commençant par l’opérationnalisation du système de suivi et de traçabilité des produits soumis au marquage fiscal comme le tabac, les boissons alcoolisées et non alcoolisées institués par la loi N° 29/PR/2016 du 30 décembre 2016 et de leurs décrets d’application à savoir les Décret N 2400/PR/MP/MFB/2017 portant réglementation du marquage fiscal et le Décret  N 2401/PR/ PM/MFB/2017 définissant la liste des produits.

Texte :tchadinfos

Daouda El-Hadj Adam, secrétaire-général de l’ADC, au Tchad
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