Le 19 février 2025, le Washington post a publié une série d’enquêtes qui plongent dans les ressorts de la violence politique au Sahel. Cette dernière traduit la difficulté des régimes à apporter des solutions tangibles et pérennes à des déséquilibres économiques et sociaux profonds.
Selon le Centre d’études stratégiques de l’Afrique, les décès causés par des violences politiques au Sahel ont triplé depuis 2020[1] et près d’un quart d’entre eux concerneraient des civils.[2] Si les attaques djihadistes ont augmenté de manière exponentielle, les exactions commises par les armées régulières et leur partenaires paramilitaires, le plus souvent russe, ont également bondi de 76% entre 2022 et 2024 (d’environ 230 à 400 attaques).[3]
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Des activités djihadistes en hausse
Ces dernières années, les groupes djihadistes actifs dans la région (Al-Qaïda, l’Etat islamique, ou Boko Haram) ont conquis de vastes portions des territoires nationaux. Ils ont profité de la relative faiblesse des armées locales, et du faible contrôle politique et administratif des Etats burkinabè, malien et nigérien qui ont connu des coups d’Etat militaires entre 2020 et 2023. Le tribut de cette insécurité est payé par les forces régulières et les volontaires ainsi que par les populations civiles. Ces dernières sont ciblées par des massacres, des enlèvements et des déplacements massifs et pâtissent d’un appauvrissement global et d’une absence de perspectives d’amélioration.
Depuis début 2025, les groupes djihadistes ont mené de nombreuses attaques coordonnées, dont la complexité (embuscades meurtrières, explosifs improvisés et assauts armés) traduit une véritable montée en puissance. Durant la première quinzaine de février, l’Est et le Nord du Burkina Faso ont par exemple subi une série d’attaques menées par le JNIM, faisant plusieurs dizaines de morts.
Dans l’un des articles de sa série, le Washington Post rapporte le témoignage d’Ibrahim, engagé auprès de cette filiale d’al-Qaïda. Il décrit notamment les violences perpétrées par ce jeune Nigérien contre des civils dans le secteur de Gao au Mali : « Alors qu’un petit convoi de camions arrivait à l’horizon et s’approchait, Ibrahim et ses compagnons de combat ont ouvert le feu. Ibrahim a senti son corps se soulever en arrière alors qu’il déchargeait à plusieurs reprises son fusil. Il a vu le premier camion se renverser après que le conducteur a été touché. Puis les conducteurs du deuxième et du troisième camion ont été touchés, s’effondrant sur leurs sièges. Lorsque les tirs ont cessé, les chefs de l’équipe ont ordonné aux combattants de brûler les camions et d’enterrer les victimes. Ibrahim a déclaré qu’il pensait qu’il y en avait quatre. Il a récité de brèves prières sur les corps ».
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Les répercussions de la lutte contre le terrorisme
Les gouvernements des Etats membres de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) ont fait appel à la société de mercenariat russe Wagner pour soutenir leur lutte contre le terrorisme et protéger leurs intérêts politiques et économiques. L’option tout militaire choisie par ces derniers affecte fortement les populations des régions gagnées par le terrorisme qu’elle alimente. Les exactions commises contre les civils par les armées régulières et leur soutien russe sont aujourd’hui bien documentées. Au Mali, ces acteurs sont par exemple accusés d’avoir exécuté une vingtaine de civils – dont des personnes migrantes – dont le convoi se dirigeait de Gao vers l’Algérie le 17 février 2025.
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Aujourd’hui, les soldats de Wagner tendent à être remplacés par l’Africa Corps qui dépend directement du ministère russe de la Défense. En effet, tandis que la Russie chercherait en Afrique « à restaurer l’emprise impériale perdue avec la chute de l’Union soviétique (…) la présence russe au Sahel lui [Vladimir Poutine] permet de s’assurer des positions stratégiques sur la côte atlantique et sur la rive sud de la mer Méditerranée, tout en gagnant l’accès aux richesses minières convoitées de l’Afrique ». [4]
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[2] Chiffre de 20222. https://africacenter.org/fr/spotlight/le-sahel-et-la-somalie-sont-a-lorigine-de-laugmentation-de-la-violence-des-groupes-islamistes-militants-en-afrique/
[3] https://africacenter.org/fr/spotlight/fr-mig2024-menace-constante-islamisme-militant-afrique/